Le Golem

Le Golem, si l’on en croit l’Ancien Testament, c’est d’abord l’homme lui-même. Adam – ou du moins, ce qu’il est à la première étape de sa création. Matière informe, corps inerte… Le souffle de Dieu achèvera de lui donner forme et vie, à sa propre ressemblance. ADAM DIEU

Mais il n’en sera pas de même de l’autre : celui que l’homme tentera à son tour de façonner. Un Golem monstrueux : celui des contes, des croyances cabalistiques et du folklore yiddish. Créature contrefaite, donc. A jamais inachevée.

La légende cheminera au-delà de la culture juive, et bien des créatures prométhéennes (jaillies de l’imagination de moult savants fous) jalonnent désormais l’Histoire. Automates, humanoïdes, robots, ordinateurs : d’inquiétants auxiliaires qui menacent de frapper ou de dépasser l’homme.

Le Golem ressemble aussi à ces idoles de bois ou de pierre qu’invoquaient les peuples païens pour s’adjoindre les puissances surnaturelles, cosmiques ou divines. C’est dire que le Golem vient de loin… et c’est peut-être encore cette créature qu’englobe le commandement : « Tu ne feras point d’image taillée, ni de représentation quelconque des choses qui sont en haut dans les cieux, qui sont en bas sur la terre, et qui sont dans les eaux plus bas que la terre ».

Le Golem n’a pu naître que de la transgression d’un interdit.

Si le Golem remonte plus loin dans le passé que sa propre légende, s’il nous projette aussi très loin dans le futur (jusqu’à l’avènement de l’homme modifié ou d’une nouvelle forme d’Intelligence Artificielle), jetons maintenant un œil à la légende elle-même.

rabbi_low_golem C’est au XVIème siècle que serait né le Golem, des expériences cabalistiques d’un rabbin de Prague, désireux de protéger les Juifs du ghetto. Conçu comme un héros, un rempart contre les persécutions, le Golem ne tarda pas à décevoir son créateur. Car le Golem est une bête brute, une force aveugle, et cause des catastrophes à la moindre inattention de son maître. Contraint de supprimer sa propre créature face à son caractère incontrôlable, le Maharal de Prague effaça la première lettre inscrite sur le front du Golem, et celui-ci tomba raide mort. Sa poussière reposerait encore dans les combles d’une synagogue de Josefov…

Mais à quoi fait donc référence le Golem aujourd’hui ? Aux immenses avancées techniques de l’homme, sans doute. Avancées dont les conséquences ne restent pas moins inquiétantes. ed_-Dangles-le-Golem-et-la-Connaissance

Demeuré à mi-chemin entre le vivant et le mort, l’actif et l’inerte, le conscient et le machinal : le Golem n’est peut-être que cette humanité autodestructrice… cette humanité souffrante et perfectible, facilement chosifiée, objectivée, instrumentalisée, qui soudain se révolte contre les codes et les systèmes qui la structurent et qui l’oppressent. Avide de conquérir sa propre liberté – laquelle nécessiterait qu’elle s’affranchisse d’abord d’elle-même.

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